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Les petites lettres

Les petites lettres

Petites histoires de gens ordinaires et extraordinaires par Odile Lasmarrigues


La princesse qui avait peur de la mort

Publié par Odile Lasmarrigues sur 14 Novembre 2019, 12:52pm

Catégories : #Le coin des enfants

La princesse qui avait peur de la mort

Ce conte fait suite à "La princesse qui n'aimait pas les saisons"

 

Dans le pays imaginaire, la petite princesse avait bien grandi.

 

Le bon air du parc du château avait fortifié ses os et redonné de la couleur à ses joues. A présent, la petite princesse n’était plus petite du tout. Elle arrivait à grimper en haut des arbres à pommes et à faire la roue dans l'herbe soyeuse.

 

Le roi, son papa, l'avait bien aidé à pousser, l'arrosant de tout son amour et de son attention. La petite graine était devenue une belle fleur, virevoltant au gré de sa jeunesse.

 

  • Roi papa, dit un jour la princesse, pourquoi es-tu si fatigué ? Pourquoi ne viens-tu pas avec moi chercher les châtaignes dans le jardin ?

  • Ma princesse jolie, je suis arrivé au bout de ma vie et bientôt je ne serai plus là pour te tenir la main.

  • Mais mon papa roi, je ne le veux pas, tu ne peux pas me laisser là.

  • Ainsi va la vie, ma petite chérie, tu ne peux rien y faire, embrasse ton vieux père...

 

Les saisons passèrent et un matin de grand soleil, le roi ferma les yeux pour toujours.

 

Au château, tout le monde était triste de ne plus voir le roi. La princesse ne savait pas vers qui se tourner pour retrouver un peu de joie. Elle voyait bien que tout le monde s’affairait pour organiser une grande cérémonie, aussi grande qu'était l'affection que l'on portait à son papa.

 

Quand tout fut prêt, on lui demanda de venir se recueillir devant un rectangle de terre.

 

  • Mais pourquoi voulez vous que je regarde ce potager ? Est-ce le trou d'une taupe ? Le terrier d'un lapin ? demanda-t-elle au ministre.

  • Hum, hum, mais non, Mademoiselle, voyez vous, il s'agit plutôt d'une autre affaire. Comment dire... Votre Père qui n'est plus, est installé sous cette terre.

 

La princesse, choquée, s'en alla pleurer dans les dentelles de sa mère la Reine.

Les nuits qui suivirent furent agitées car la princesse se posait mille questions. Elle avait peur de la mort car elle ne comprenait pas bien ce que c’était.

 

Au milieu de la nuit, elle alla réveiller sa mère.

 

  • Maman, j'ai trop peur, je ne veux pas que tu meures, je ne veux pas mourir non plus.

  • Mais ma princesse jolie, cela fait partie de la vie, nous ne sommes pas éternels !

  • Le ministre m'a dit que papa était sous la terre, le pauvre, il est tout seul dans le noir...

  • Mais voyons, mon mignon, il est déjà mort, son corps est comme une coquille vide, il ne pense plus, il ne ressent rien.

  • Mais alors, il y a quoi après la mort ?

  • Je ne sais pas. Pour moi, il n'y a rien, c'est comme avant la naissance. Tu ne peux pas avoir peur si tu ne te rends pas compte, si ?

  • Rien ? Ce n'est pas possible d’être rien ! J'ai trop peur, ça me fait comme un nœud dans mon ventre et ça me fait comme des piquants dans mon cœur. Je ne veux pas mourir ! Alors, il ne fallait pas me faire naître !

 

La petite princesse traînait sa tristesse dans toutes les pièces du château. Le roi son papa lui manquait beaucoup et personne n'arrivait à lui redonner le sourire.

Ni les fêtes à la cour, ni les anniversaires, ni les feux d'artifices ne pouvaient chasser le chagrin qu'elle avait au fond d'elle.

 

Plus les jours passaient, plus le nœud dans son ventre grossissait. Et plus le nœud grossissait, plus son ventre gonflait.

 

Marie -Pierre la cuisinière, toujours curieuse de l’état des estomacs, s’inquiéta de voir ce ventre si gros et pourtant si difficile à remplir.

 

 

  • Princesse, pourquoi ne voulez-vous donc pas goûter ces plats délicieux ? Ces légumes savoureux ? Ces desserts merveilleux ? Vous êtes toute palote, on dirait une biscotte !

  • Qu'y a t-il après la mort, Marie Pierre ? Où est parti mon papa ?

  • Ouh lala ! C'est pas une question pour moi !

  • Dites-moi ce que vous pensez, je suis trop malheureuse pour ne pas écouter.

  • A ce qu'il paraît, votre papa serait parti très haut dans le ciel derrière les nuages. C'est ce qu'on ma dit, mais moi j'en sais rien, je m'en vais faire du pain...

 

La princesse aima bien la réponse de la cuisinière. Elle se disait que ça pouvait être bien si son papa arrivait à dormir sur les nuages.

Alors, elle se dirigea vers la volière du château et captura un pigeon. Elle lui attacha à la patte un petit mot roulé dans du papier de soie.

 

  • Va, va, mon pigeon, et retrouve mon papa pour lui dire que je l'aime !

 

La princesse attendit toute la journée que le pigeon revienne. Les yeux perdus dans le vague, elle rêvait à ce que pouvait bien être la vie sur un nuage.

Hélas, le soir venu, le pigeon revint avec son mot toujours attaché sur sa patte.

 

Elle couru à la cuisine et trouva Marie Pierre, occupée à passer la serpillière. A la vue du pigeon, elle fit un bond.

 

  • Merci jolie Princesse, celui-ci fera un bon ragoût! Elle le prit par le cou, et le plongea dans la marmite.

  • Mais non, que faites vous, il n'est pas pour vous! Le pigeon n'a pas trouvé mon papa. Vous m'avez dit des sornettes!

  • P'tet bien qu'il n'y avait pas assez de nuages...

  • Ah oui, c'est certainement cela.

 

La princesse alla voir Hervé le jardinier.

 

  • Hervé, vous qui connaissez les secrets des vents, pouvez-vous me dire quand il y aura des nuages dans le ciel ?

  • Oh oui Princesse, il est prévu de la pluie bientôt, le ciel va se couvrir et demain nous ne verrons pas le soleil. A ces mots, une grenouille sortit de la capuche du jardinier.

 

Le lendemain, la princesse repartit à la volière. Zut, le pigeon n'y était pas, elle avait du le laisser chez Marie Pierre...

 

Elle en prit un nouveau et attacha un autre mot à la patte.

 

  • Va, va, mon pigeon, et retrouve mon papa pour lui dire que je l'aime!

 

Elle s’installa à sa fenêtre et attendit que le soir tombe. Elle attendit, attendit, et vit le pigeon revenir. Malheureusement, le mot était toujours attaché à sa patte...

 

 

Dans un grand désespoir, elle s'enferma dans sa chambre à triple tour.

 

  • Si personne ne peut me dire où est parti mon papa, alors je ne veux plus sortir et voir le monde.

 

La nouvelle fit grand bruit au château et chacun se relaya à la porte de la princesse pour essayer de la réconforter.

 

  • Pense à autre chose, dit sa maman

  • Faites vos devoirs, dit l'institutrice.

  • Aidez-moi à planter des tomates, lui dit le jardinier.

  • Et pourquoi pas des salades, lui répondit en colère la Princesse. Personne ne peut me dire où est mon papa maintenant qu'il est mort.

  • Vous devriez aller voir Mamie Reine, lui conseilla l’écuyer.

 

 

La Princesse sortit de sa chambre, bien décidée à retrouver Mamie Reine dans la foret, là où elle habitait depuis très très longtemps. La princesse eut bien du mal à mettre son manteau, son ventre était devenu rond comme un ballon.

 

  • Sacré nœud, ça ne va pas mieux, se dit-elle.

 

Quand elle arriva au milieu de la foret, elle mit du temps à retrouver Mamie Reine. Celle-ci, qui avait plus de cent ans, était totalement recouverte de lierre. La petite princesse se demanda même si elle ne s’était pas transformée en arbre.

 

  • Mamie Reine, mon papa n'est plus là et j'ai peur de la mort. J'ai peur de perdre les gens que j'aime et j'ai peur de mourir moi aussi.

  • Mon petit bijou, assied toi près de moi, Ton papa n'est plus là, et pourtant tu vois, je ne pleure pas.

  • Maman m'a dit qu’après la mort il n'y a avait plus rien, la cuisinière m'a dit qu'il était dans le ciel, mais moi cela ne me calme pas. Qu'est ce qu'il se passe quand on meurt?

  • Mon enfant, j'ai une autre histoire à te raconter, elle m'a été confiée il y a très longtemps par un sage qui vivait dans les montagnes. Personne ne pourra te dire comment c'est vraiment longtemps après la mort car personne n'est revenu après dans son corps pour l'expliquer. Mais tu sais, certains racontent, et ils sont nombreux à le dire, que quand on meurt, on va dans un endroit très beau, très lumineux et surtout on ressent beaucoup d'amour. On est enveloppé d’amour et on se sent très bien. Ils racontent même qu'ils retrouvent là bas des personnes qu'ils ont perdu il y a longtemps.

  • Mais Mamie Reine, si le cerveau ne marche plus, comment peut-on ressentir tout cela?

  • Tu te poses les bonnes questions ma chérie. Comment se fait-il qu'on ressente des milliards d'émotions alors que le corps ne fonctionne plus? Je crois qu'il y a autre chose qui reste vivant parce qu'elle est éternelle, et elle s'appelle l’âme.

  • Je ne sais pas qui croire, j'ai peur que tu me racontes des histoires toi aussi. Alors il est où mon papa ?

  • Il est partout autour de toi. Son âme, tu ne peux pas la voir avec tes yeux, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Approche ta main de cet arbre. Ressens-tu la chaleur ? Ressens-tu son énergie ? Pourtant tu ne peux pas la voir, et bien l’âme, c'est la même chose que l’énergie de l'arbre. Je ne suis pas triste car je sais que ton père est tout autour de moi , qu'il va bien et que je le retrouverai certainement un jour, lorsque moi aussi je laisserai mon corps à la terre. Laisse toi le temps de grandir, mon doux roudoudou, tu as la vie devant toi pour choisir tes croyances, vas vers celle qui t'apaise le plus. N'oublie jamais que l’âme peut aussi choisir de te faire un signe, ainsi, lorsque plus tard tu verras un papillon jaune se poser sur ton épaule, il se pourrait bien que se soit moi...Tu sauras alors que je pense à toi et que je t'aime.

  • Mais si je ne vois pas de papillon jaune, cela voudra dire que tu ne penses plus à moi ? demanda la princesse inquiète.

  • Viens avec moi, nous allons marcher un peu.

 

Mamie Reine se leva non sans mal, ses jambes craquaient comme des vieilles branches. Un oiseau, qui avait fait son nid sur la tête, fut bien étonné de se voir ainsi déplacé.

 

  • Tu sais, les âmes sont malignes. Si elles veulent te parler, elles choisirons des moyens tout à fait extraordinaires. Quelquefois, elles décident de venir dans une plume blanche qui volera devant toi, ou bien dans un arc-en-ciel qui apparaîtra lorsque tu penseras à ceux qui sont partis. Évidemment, bien des personnes te diront que c'est juste le hasard, que c'est tout à fait impossible que cela se passe ainsi, mais laisse faire... Écoute ce qu'il se passe tout au fond de ton cœur, et tu sauras si cela est vrai pour toi. Quelquefois aussi, ton papa viendra te voir dans tes rêves, pour te cajoler, pour te rassurer, pour te montrer qu'il pense à toi pour toujours. Là aussi, laisse faire... Apaise tes peurs et fais lui confiance pour trouver le meilleur chemin pour revenir vers toi. Il est des mystères dans la vie qu'il n'est pas toujours utile de chercher à expliquer. Il faut juste ouvrir un peu son esprit et accepter de ressentir de nouvelles émotions. Rien n'est figé, tout n'est que vibrations et fluctuation. Laisse toi surprendre par ce que tu ne connais pas.

 

La princesse enlaça sa Grand- mère qui sentait l'humus et les fleurs sauvages. Elle l'embrassa tendrement et lui promis de revenir bientôt la voir dans la foret, non sans lui enlever quelques escargots qui lui montaient dans le dos.

 

Elle revint au château d'un pas léger et le ventre dégonflé. Mille questions dansaient encore dans sa tête. Elle ne savait pas exactement encore où était son papa mais décida que pour l'heure, il continuerai à vivre... dans son cœur.

 

NB: Je recherche des artistes amateurs pour illustrer ce conte. Si cette histoire réveille votre créativité, contactez moi!

 

 

 

 

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E
bienvenue dans la communauté " j écris, tu écris ..." je vous souhaite d'y faire de belles rencontres.
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