Quel visage donner à celui qui s'assoie en larmes car sa meilleure amie a préféré rejoindre les anges, comment retenir les pierres qui viennent l'écraser alors qu'il est déjà à terre...
Telle une funambule, j'ai avancé avec mesure. Le choc a été tellement fort pour lui, juste une heure avant, sidération, incompréhension.
Laisser la porte ouverte à l'émotion et à la colère bien-sûr mais c'est tellement difficile d'être juste là dans l'écoute.
Pas de plaie à soigner, pas d'injection ni de bandage, pas de recours au corps pour occuper son regard.
Non, ce moment a été comme suspendu dans l'espace sans filet ni protection.
Il n'y a pas d'explications à donner ni de traitement à conseiller.
Oui, ça ira peut-être mieux dans quelques temps, jours, mois, années, mais l'immédiateté ne requiert pas d'instruction.
Il a déroulé le fil devant moi, a repassé la semaine entière, jour après jour, chaque souvenir, chaque dialogue, chaque rire, chaque larme d'une vie d'un étudiant.
Il n'a pas compris, il ne comprendra pas pourquoi elle a fait un tel choix, pourquoi elle l'a laissé seul, sans explication.
Quels secrets gardait-elle pour ses nuits sans sommeil, quelles ombres se nichaient en elle lorsqu'elle se retrouvait seule ?
Il aurait voulu les deviner, il aurait dû les deviner. Cette colère qu'il sent monter en lui, vers où la diriger si ce n'est vers lui-même?
La culpabilité vient juste après les larmes, lorsqu'on cherche un sens à l'irrationalité de l'existence.
Je lui ai demandé de me parler de la relation qu'ils avaient ensemble, de ce qu'ils partageaient, de ce qui les unissait.
Ce n'était pas douloureux au contraire, il y avait un sourire au coin de ses lèvres, me confier ses souvenirs la faisait de nouveau exister dans son cœur...
A pas de velours nous avons cheminé ensemble, son regard s'est éclairé lorsqu'on on a évoqué un moyen de lui rendre hommage, comment lui et ses amis pouvait mettre en place un rituel pour lui envoyer toutes leurs bonnes ondes.
Il s'est levé le cœur un peu moins lourd.
Il reviendra, ou pas, poser son trop plein de chagrin.
Le deuil n'est pas l'oubli, le deuil n'est pas un but, c'est un chemin nécessaire pour transformer la relation et la faire exister différemment, à l'intérieur de soi-même.