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Les petites lettres

Les petites lettres

Petites histoires de gens ordinaires et extraordinaires par Odile Lasmarrigues


L'instant

Publié par Odile Lasmarrigues sur 9 Avril 2015, 10:21am

Catégories : #Société

L'instant

 

Un pré, le mois d'avril. Ôter ses chaussures et retrouver la rudesse de la terre. Sentir sous ses pieds l'herbe encore humide par la rosée du matin. Ressentir la fraîcheur, ressentir les irrégularités du sol. Se vivre en animal. S'immiscer dans le silence de la nature. Demander la permission de partager un instant d’éternité.

S'allonger doucement, consciemment, pour ne pas gâcher l'instant des premières retrouvailles avec le monde. Prendre appui. Solliciter ses mains. Offrir aux doigts l'opportunité de se connecter avec le vivant. Recevoir les informations de l'environnement. Humble.

Écarter les bras, reprendre sa place. Appartenir à l'humanité. Tourner ses paumes vers le ciel, détendre ses doigts. Les laisser se recroqueviller, ne plus les contraindre. Ne plus rien leur demander. Placer sa tête dans un nid d'herbes et y être accueilli. Sentir tout le long de sa colonne l’énergie du sol, se laisser engloutir.

Inspirer. Par la bouche, pour remplir ses poumons d'un air neuf, d'un air sain. Par le nez, pour retrouver toutes les subtilités des parfums des fleurs, des parfums de l'humus, de l'eau, des écorces des arbres. Se régénérer et combler le vide.

Expirer. Longtemps, calmement, comme pour laisser sortir ses angoisses et ses douleurs, comme pour chasser dans l'air ses démons et ses tourmentes.

Offrir à ses bras dénudés toute la chaleur de ce soleil tant attendu. Laisser les poils se soulever et vibrer sous la brise. Sentir que cette peau aspire à la liberté et ne veut plus être en contact avec le coton des chemises. Muer, comme un serpent au sortir de l'hiver.

Ressentir le chatouillement d'une fourmi encore surprise d'avoir rencontré dans son habitat l'imposante masse de cet animal doué de raison et renoncer à la chasser, comme pour mieux se fondre dans le vivant.

Écouter après avoir si longtemps entendu. Essayer au fur et à mesure d'aller plus loin dans la perception, jusqu'à distinguer les sons les plus subtils. Se réjouir de cet état de connexion. Ne plus faire attention aux voix que l'on a dans son esprit, ne pas chercher à contenir sa raison et ne plus rien exiger. De personne, et surtout pas de soi. Laisser de coté pour un moment les objectifs, les buts, les missions, les compétitions, ne plus se juger. Être un électron libre. Tout poser là pour ne plus s'abimer.

Ouvrir les yeux, et avoir la satisfaction d’être ébloui par tant de clarté. Sortir des ténèbres, contempler le ciel. Et retomber un peu en enfance en essayant de trouver dans la mouvance des nuages, le plus de figures possible, comme autant d’allégories sur la vie.

Prendre conscience de la satisfaction du corps et de la plénitude de l’âme.

N'avoir besoin de rien d'autre.

Être dans l'instant et sourire.

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R
Beau texte sensoriel. Continuez à écrire !
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N
Une bouffée d'air frais !
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