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Les petites lettres

Les petites lettres

Petites histoires de gens ordinaires et extraordinaires par Odile Lasmarrigues


ça pique!

Publié par Odile Lasmarrigues sur 14 Mai 2019, 16:21pm

Catégories : #Plus personnel, #Société

ça pique!

La première fois ça m'a fait tout drôle, une sensation que je ne connaissais pas encore et qui m'a presque fait rosir les joues, entre la gêne et la honte.

La première fois, ça m'a étonné, je ne m'y attendais pas, si soudain, si nouveau dans ma vie, je pensais que ce n’était pas pour moi , le genre d’événement qui se fige dans le temps pour ne laisser qu'un souvenir amer.

J'en aurais presque eu la larme à l’œil, une conséquence stupide qui tient plus du réflexe reptilien que d'une mure réflexion, mais qu'importe, ça pique, là où il ne faut pas, là où c'est sensible, là où se cache notre pudeur, ça chatouille l'intimité et ça tend la chair.

Ça s'est passé dans le métro, à l'heure de pointe, le moment où la conscience de l'autre est aiguisée autant qu'elle est ignorée. On ne se regarde pas, mais on se sent.

Les yeux dans le vague, chacun feint de bouder l'autre, les corps se balançant au rythme des stations, cherchant à ne pas rompre cet équilibre si précaire et à ne pas s'affaisser sur une poussette ou deux, unanimement bien trop nombreuses dans un wagon de métro.

 

Et tel un éclair éblouissant, faisant plisser les yeux de douleur ça s'est passé : « Je vous en prie, madame, asseyez vous ! »

Non, mais qui es-tu pour te permettre de me laisser ta place ! 

Honteuse j'ai bredouillé d'une voix presque inaudible :

  • Non, mais ça ira merci, restez assise.

  • Mais allez y je vous dis, osa me répondre l'effrontée qui avait, quoi ? Deux, trois, bon allez, dix ans de moins que moi.

     

Je n'ai pas compris. Honnêtement je n'ai pas compris. Deux choix s'offrent à moi. Sois je suis grosse et je semble enceinte, sois je parais vieille et je fais pitié.

 

La deuxième fois, j'ai eu une montée de violence. Je m’étais préparée à ce genre d'éventualité, élaborant une réponse cinglante digne d'une Carmen sous coke.

Et puis... J'ai dit merci. Honte à moi, honte à moi qui suis dans ma quarantaine flamboyante, l'œil vif, dans la confiance et l’expérience de la vie.

 

23H30, le wagon bondé d’étudiants idéalistes, la peau lisse et le poil brillant, me regardant comme une couguar en mal de sensations. Mon regard croise mon reflet dans la vitre salie du compartiment. La cerne est certes là, un peu violette, la paupière un peu lourde et le rimmel qui coule. Le cheveu est un peu trop sec aux pointes et un peu trop blanc à la racine. Oui je suis peut-être légèrement défraîchie mais c'est vrai qu'il est tard, non ? 

 

Demain, promis, je vais chez le coiffeur, et surtout j’arrête de prendre le métro.

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