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Les petites lettres

Les petites lettres

Petites histoires de gens ordinaires et extraordinaires par Odile Lasmarrigues


Pouce !

Publié par Odile Lasmarrigues sur 9 Mars 2021, 16:31pm

Catégories : #Plus personnel

Pouce !

Mon regard posé sur le sol, j'observe l’asphalte défiler sous mes pas, mon corps s'étant mis en pilotage automatique avec une régularité de métronome. Rien n’existe autour de moi, ni bruit, ni couleur, ni odeur, il n'y a que moi, que mon cœur battant sur mes tempes et mon souffle qui va et qui vient.

 

J'ai besoin de m’échapper, de fuir ou bien de me fuir je ne sais plus. J'ai ce besoin oppressant de faire taire ces voix dans ma tête qui me tiraillent et m’écartèlent, pour m'offrir une trêve, un moment de calme qui me rappelle mes jeux enfantins où l'on criait «  pouce ! »

 

Je n'arrive plus à m’épargner du monde, de sa violence, de ses diktats, je ne parviens plus à m'apaiser dans cet îlot de foi et de certitude que je m’étais crée, alors j'entame un dialogue de sourd avec moi même, entre mon cœur et mon esprit qui se contredisent et s’enchaînent dans leurs dogmes.

 

Cet esprit analytique, ce mental qui m'enferme dans des équations, dans des démonstrations sans fin, à grands renforts d’éléments scientifiques, mathématiques, cartésiens , et mon cœur qui me demande de lui faire confiance, d'opter pour l'espoir et non pour la fatalité, ce cœur qui me prouve que je suis vivante et créatrice, et que tout peut encore changer.

 

De là vient mon désarroi, cette bataille entre chien et chat, quand mon corps retrouve un peu de souplesse, et de chaleur, quand je ressens au plus profond de moi cette douce vague de confiance qui est immédiatement ébranlée par des considérations limitantes de mon mental en mal d'expression.

 

Je ne sais plus à qui m'abandonner, dans une époque qui nous demande de nous écouter, de suivre cette intuition qui serait si facile à contacter. Encore une exigence inatteignable.

 

Alors on cherche, tous, à mieux se connaître, à monter en sagesse comme on monte en grade, à s'entourer de personnes inspirantes qui nous rassurent dans les choix pris, on s'isole dans certaines utopies et on se regarde vivre de plus haut , d'un endroit qui ne serait pas taché par les excréments de la réalité.

 

Et on se ment.

 

La vérité n'est pas d'un coté ou bien de l'autre. Baissons la garde et posons les armes. Il ne s'agit plus de trouver un vainqueur entre la foi et l'expérience, mais bien embrasser l’entièreté de notre être avec ses discordances, ses espoirs et ses failles, toucher du doigt les peurs qui sommeillent en nous pour mieux pouvoir les libérer. Notre plus grande limite est sans nul doute le jugement, envers soi, envers les autres, ceux qui ne pensent pas comme nous, ceux qui n'agissent pas comme nous. Ce jugement cristallise nos peurs les plus primitives et nous empêche d'évoluer.

 

Alors, je vais peut être ralentir ma course, lever les yeux sur la beauté du paysage et respirer profondément pour cesser de végéter dans cet émoi schizophrénique.

 

Je vais prendre mes responsabilités, explorer en moi toutes les facettes, même les plus sombres, accepter de poser sur elles un regard bienveillant, accepter que ça m'ébranle, que ça me pique, que ça me heurte pour faire de la place à cette intuition qui ne demande qu'à grandir.

 

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