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Les petites lettres

Les petites lettres

Petites histoires de gens ordinaires et extraordinaires par Odile Lasmarrigues


Grandir

Publié par Odile Lasmarrigues sur 30 Mars 2021, 09:10am

Grandir

Tu es venue ce matin, encore auréolée de tes rêves. Tu es venue, glissant dans tes petits chaussons, la nacre salée de tes yeux trahissant ton sommeil.

 

Je t'ai regardé t'approcher sans bruit alors que grandissait en moi l'amertume de devoir t'extraire de ta candeur.

 

La façon dont je t'ai regardé à cet instant a éveillé ton intuition, et déjà tes grands yeux bleus attendaient les réponses si difficiles à prononcer.

 

  • Margot..

  • Oui ?

  • Les poules...

     

La gorge serrée, je n'ai pas su comment te dire que les poules que tu aimais tant avaient été tuées dans la nuit par une fouine. Toutes.

 

Il n'y a pas d’échelle de la douleur dans un deuil, même pour une poule. Le cœur d'un enfant ne sait pas classer en fonction des espèces. Une vie en vaut une autre.

 

Face à cette nouvelle qui a déchiré ton cœur, je n'ai pas cherché à minimiser ton chagrin. J'ai senti ton corps fléchir sous la peine, alors j'ai mis mes bras autour toi, pour t’accompagner dans ta douleur.

 

Loin de moi l'idée de te faire prendre du recul ou bien d'atténuer tes pleurs, pas maintenant, pas si tôt. J'ai voulu simplement te consoler, te rejoindre dans cet espace intime pour t'offrir la sécurité nécessaire à la peine, te donner raison dans l'expression de ton chagrin. Être là pour toi, dans tes faiblesses comme dans tes forces.

 

Acceptée dans ta détresse, laissant les mots hors de notre portée, nous avons uni nos cœurs dans le silence.

 

Je n'ai pas cherché de phrases toutes faites, nous mettant chacune dans un rôle prédéfini, me redonnant de la prestance et niant tes sentiments. A travers le brouillard de tes larmes, je me suis revue à ton age, quand moi aussi j'ai du faire face à cette peine. Dans l'instant, il n'y a pas de mots qui apaisent, il y a une présence à assumer, des caresses à distribuer, du bout des doigts, dans le respect de la vie qui se déploie en toi. La mort fait partie du tout, un rappel de la valeur de notre existence.

 

Cette peine s’éloignera de toi, dès demain peut être, mais elle aura pu s'exprimer dans son entièreté, être vécue sans entrave, libérée pour que tu puisse grandir. Viendra alors l'heure des explications, l'heure de l'intellectualisation, des prises de conscience, mais dès lors ton cœur sera de nouveau disponible pour vibrer de tout ton être.

 

Photo by Mae Mu on Unsplash

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