Tu n'es plus là, depuis combien de temps déjà ? Depuis cette soirée de décembre 2017, ou bien depuis plus longtemps encore ? Deux ans, trois ans, cinq ans, je ne sais plus. Je t'ai vu disparaître doucement, te recroqueviller sur toi-même jusqu'à ne plus percevoir au fond de tes yeux cette lueur qui te reliait aux hommes. Ta maladie t'a enseveli, ton âme a préféré faire le tri dans ses souvenirs et oublier peu à peu le monde du réel.
Je t'ai perdu combien de fois ? Un peu plus à chaque fois que le couperet tombait. Non, je n’étais pas une employée de maison de retraite, j’étais juste ta petite fille dont le cœur se consumait lorsque tes yeux vides traversaient les siens.
Tes yeux sont désormais clos, à jamais. Tu as quitté ton corps de prison pour aller ailleurs. Merci, à qui ? A quoi ? Je ne sais pas, mais merci pour cette délivrance.
Où est tu allée, mamie ?
Je me sens amputée d'une partie de moi, je me sens seule dans mes souvenirs d'enfant. J'ai besoin de te retrouver, j'ai besoin de faire rejaillir ces émotions qui nous construisent au fil du temps. Qu'advient-il de moi sans le socle de ma lignée ?
J'ai peur moi aussi d'oublier peu à peu ces moments anciens, j'ai peur d'avoir gravi un échelon et de me rapprocher un peu plus de ma fin.
J'ai cette idée folle de te chercher, de te ressentir. Pourquoi ne pas y croire ? Je te sens à mes cotés, bien plus que lorsque tu étais en vie, libérée de tes maux.
Le poème de Saint Augustin que j'ai lu le jour de tes obsèques résonne encore en moi. Pourquoi ne serais-tu pas alors « juste de l'autre coté du chemin » ?
J'ai besoin de trouver du sens, j'ai besoin que tu m’épaules dans mon parcours, dans ma vie. J'ai besoin de ressentir ta force et ta bonté. Je n'ai pas peur de bousculer les convenances, je suis prête à penser différemment de mon entourage. Sans preuve mais sans prosélytisme, je suis prête à m'ouvrir à d'autres croyances adogmatiques.
Alors voilà, mamie, faisons tomber ensemble les remparts du bien penser, et ouvrons nous à la possibilité d'une autre voie. Choisissons de faire confiance à ce que nous susurre notre cœur.