Je te regarde, tu es si petite, tu te perds dans mes bras. Je te sens, je te hume, je te goûte.
Mon ventre t'appelle encore, il n'a pas compris qu'il était temps pour toi de t'ouvrir au monde. Mon cœur saigne ne de plus vibrer à l'unisson avec toi.
Mais enfin je te vois, enfin je te touche. Tous ces mois passés à t’imaginer, grandir en moi, prendre ta place. Je te la donne toute ta place, je te donne le monde , je te donne la jeunesse, je te donne les rêves..
Mais comment pourrai-je prendre soin de toi, comment pourrai-je t'arracher au malheur, à la déception, à la la cruauté des hommes. Je te donne la vie, mais quelle sera ta vie ?
J'ai peur tout à coup de ne pas être à la hauteur de toi. J'ai peur de n’être moi même encore qu'une enfant. Où sont passés mes rêves ?
Tu as besoin de moi, tu n'as besoin que de moi, de mes mains, de mes seins, de mon souffle sur ton cou. Je te comprends déjà, tu résonnes en moi. Je profite de ces premiers jours où je te cache. Tu es encore pour quelques heures mon intimité. Je voudrais partir loin , rien qu'avec toi. Je voudrais te cacher au monde, en profiter encore un peu.
Ca ne durera pas, je le sais bien..
Bientôt d'autres mains se tourneront vers toi, d'autres visages t'apporteront de la joie et du réconfort. Tu es comme une graine qui n'aspire qu'à grandir et te déployer. Je suis ton socle, ton tuteur, la terre dans laquelle tu vas puiser ton élan.
Jamais je ne lâcherai ta main, jamais je ne te laisserai te perdre dans les abymes de la vie. Tu es mon sang, tu es ma chair, tu es mon existence.
Bientôt viendra l'heure inéluctable où tes pas s'éloigneront des miens, où ta curiosité t'emportera loin de moi. Je l'accepte, n'ai crainte. Je te laisserai de l'espace.
Je te regarderai grandir, apprendre à lire, à écrire, je te regarderai t'offrir au monde, t'attacher à d'autres que moi. Je respecterai tes convictions, je t'apprendrai la dualité, t'expliquerai les mystères de l'univers, je sècherai tes larmes et te donnerai quelquefois du courage.
Je te borderai le soir, t'entourant de mon amour, je te lirai des histoires qui embelliront tes rêves.
Je te soignerai, te veillerai la nuit lorsque la douleur et la fièvre s'empareront de toi; je chasserai tous les monstres et les démons qui t'effraient tant.
Et nous rirons, danserons, chanterons. Il y aura de la joie, de l'amour, de la confiance, du respect comme avant moi avait su me donner ma mère.
Ma mère.... Comment puis je devenir mère alors que je me sens encore être une enfant devant elle? Une enfant avec ses doutes et ses peurs face au plus gros bouleversement de ma vie qu'a été ta naissance.
Ma mère.. Toute ma vie est empreinte de ma mère. Cette sensation d'enveloppe de coton.. Je me souviens de mon enfance, de ces moments où elle a su donner de l'importance aux choses, su cristaliser des instants de bonheur, où elle a su m'inculquer des valeurs et me montrer le chemin.
Des souvenirs qui me réconfortent encore aujourd'hui, qui me bercent tendrement. Des goûters au milieu les bois, l'occasion d'apprendre le nom des arbres, l'importance de saisir le plaisir de l'instant, la conscience que le bonheur vient de toutes ces petites choses...
Saurai- je le faire aussi avec toi? Quelle responsabilité que de devenir mère.. Quelle route t'indiquer? Comment faire passer le message? Comment te transmettre mon bagage? Tu n'es pas non plus mon double, tu n'es pas moi, tu es entière. Je ne sais pas comment tu évolueras, ni quelles seront tes envies. Je ne sais pas quelles rencontres influenceront tes pas. Je ne suis moi même que de passage et ne peux pas te contraindre à suivre mon chemin. Je ne pourrai que te conseiller, avec subtilité pour ne pas de braquer et te laisser grandir.
Il y aura des moments difficiles et tu me rejetteras certainement. Je n'arrive pas à imaginer cela quand je te vois, mon bébé, au creux de mes bras. Cette petite bouche si délicate me blessera peut être comme j'ai pu blesser ma mère, par orgueil, par vanité, par malaise.
Je ferai face, je suis préparée... enfin, j'aime à le penser. Quand viendra l'heure des reproches et de la défiance, comment réagirai-je? Avec intelligence je l'espère,mais peut-être que l'émotion prendra le dessus et je ferai des erreurs. Certainement j'en ferai mais rien n'est figé. L'amour et la confiance peuvent renaitre d'un coeur meurtri.
J'ai foi en nous. Le vent fini toujours par se calmer. Viendra alors l'heure de la maturité, des choix stratégiques, tu avanceras dans le sentier de la vie avec de la force et du soutien.
Et tu accompliras ton destin. Je ne peux pas encore imaginer ton métier, tes gouts et envies, Quel bonheur devant toutes ces éventualités! Je me sens respirer, je me sens pleine d'entrain pour toi! Je voudrais t'éviter les écueils, mais non.. Tu devras faires tes propres expériences et tu me prouveras que j'avais raison de te faire confiance.
A l'aube de ma vieillesse, je sais que tu seras là. Je sentirai ton amour quand c'est toi qui me prendra la main. Tu me couvriras de ton regard tendre quand je me sentirai vulnérable. Mais tu ne cesseras jamais d'être mon enfant comme je serai éternellement celui de ma propre mère.
Ainsi est faite la vie, ma fille chérie. Profite de chaque instant de la tienne, profite du moment présent, et soit convaincue que le bonheur se trouve à l'intérieur de nous même. Cultive la gentillesse, prends soin de la terre qui t'accueille et ne cesse jamais de croire en toi..